Alors, qu'en est-il de Platon ?
Rapide coup d'oeil historique.
Il fut l'élève de Socrate, il a beaucoup écrit, il a vécu sous la démocratie athénienne ; il a fondé une école de philosophie : l'Académie, sur le fronton de laquelle était écrit : "Nul n'entre ici s'il n'est géomètre".
Il est contemporain de grands philosophes, parfois négligés, comme Epicure. Ce dernier est aux antipodes de la philosophie de Platon.
De nos jours, il existe deux importantes interprétations de Platon.
En gros, soit on le méprise, soit on l'adore. Je vais rappeler quelques points de doctrine avant d'expliquer.
Pour Platon, le monde sensible (= que je peux percevoir par les 5 sens) n'a pas de consistance, d'existence réelle ; il n'est que l'image d'un monde plus réel, de nature intelligible (= compréhensible par l'esprit) ; à savoir le monde des Formes ou des Idées.
Une Idée est un concept (= une définition), par exemple une fleur dans le monde sensible n'est que la copie de l'Idée de fleur, ou concept de fleur (par exemple : végétal avec une tige et des pétales).
Chez Platon, l'âme a plus d'importance que le corps. Elle est immortelle et le corps est sa "prison" (Phédon) ou bien, dans une opinion moins radicale; un simple moyen d'accéder aux Idées à travers le monde sensible (Banquet). Eh oui, Platon se contredit parfois, un peu comme tous les philosophes. Ainsi un coup il dit que l'âme doit se purifier de son corps, l'ascèse, un coup il dit que le corps permet, en observant le monde sensible, d'accéder aux Formes intelligibles.
Platon a écrit une "utopie"; ou société parfaite. Il l'a décrite en deux fois, d'abord dans la République, puis dans les Lois.
Que dit cette utopie ? En gros, que la société doit être divisée en trois classes (les gouvernants ou "gardiens", les guerriers ou "auxiliaires", les artisans). Ces gardiens sont les "philosophes-rois", ils détiennent la sagesse et ainsi sont armés pour diriger la Cité parfaite.
Les guerriers maintiennent l'ordre, les artisans fournissent la nourriture à toute la société.
Voilà en gros.
Maintenant nos deux interprétations.
Platon est méprisé : les grands critiques de Platon se nomment Nietzsche, Popper, Rancière.
Que lui reprochent-ils ?
D'avoir placé un autre monde derrière le monde, de s'être réfugié dans l'"idéal", d'avoir nié la réalité au profit d'illusions (les Idées). De mépriser le corps, qui est indispensable à la vie humaine. ça c'est plutôt Nietzsche.
Popper et Rancière reprochent à Platon d'avoir créé une utopie totalitaire :
en effet, sa société parfaite repose sur un "noble mensonge" (c'est Platon qui le dit) : certains sont nés avec une âme d'or (les gouvernants), certains avec une âme d'argent (les guerriers), certains avec une âme de fer ou d'airain (les travailleurs). Cela fait largement penser à l'eugénisme et au racisme. D'autant que Platon dit que ces classes ne doivent absolument pas se mélanger, ce qui conduirait à l'impureté et à la chute de la société. Je ne développe pas plus, Popper montre bien des aspects du "totalitarisme" de Platon dans La société ouverte et ses ennemis.
Platon est adoré : Schopenhauer par exemple le nomme "le divin Platon". On fait de lui un humaniste, car il est le défenseur du Bien et de la vertu. Il reprend les thèses de Socrate, par exemple le "Connais-toi toi-même", et autres principes humanistes. Il combat les préjugés, appelle chacun à réfléchir sur soi et sur le monde afin de ne pas s'enfermer dans des illusions.