Védrine : adapter la France à la mondialisation

L'ancien ministre socialiste sollicité par le président de la République au nom de l'ouverture, a remis hier l'ensemble de ses propositions.

HIER SOIR à l'Élysée, Hubert Védrine a remis au président de la République son rapport sur la France face à la mondialisation. Nicolas Sarkozy ne cache pas l'estime qu'il porte à l'ancien ministre socialiste des Affaires étrangères. Début mai, juste après son élection, le président élu avait reçu Hubert Védrine pour lui proposer, en vain, le portefeuille de la Justice. Au mois de juin, Sarkozy avait écrit une longue lettre à Védrine, pour lui demander comment, à ses yeux, la France devait relever les défis posés par la mondialisation.

L'ancien secrétaire général de l'Élysée sous François Mitterrand a donc passé son été à travailler, mélange de séances de réflexion personnelle, de lectures et d'entretiens avec différents experts, choisis aussi bien dans la haute administration que dans la société civile. « La France doit-elle changer de posture, d'idées, face à la mondialisation ? » : telle est la question centrale ayant guidé le travail d'Hubert Védrine.

L'ancien patron du Quai d'Orsay pendant la cohabitation a confié au Figaro qu'il avait articulé son rapport en deux parties. Première partie : les Français doivent-ils changer leur attitude face à la mondialisation ? Deuxième partie : faut-il ou non remettre en cause la politique étrangère et de défense de la France ?

Pour résumer très grossièrement, la réponse de Védrine est oui à la première question, non à la seconde. L'ancien ministre ne prend la mondialisation « ni comme une chance, ni comme un fléau, simplement comme un fait auquel il faut s'adapter ». Il estime qu'« il y a en France un consensus politique dynamique à portée de la main » sur les moyens de s'adapter à cette réalité nouvelle.

Dans le cadre du changement d'attitude qu'il appelle de ses voeux, Hubert Védrine préconise dans son rapport, dont le président de la République sera évidemment le premier lecteur, toute une série de mesures concrètes. Elles s'articulent au sein du triptyque suivant : politiques de réforme, de protection, de solidarité.

La réforme, c'est par exemple celle de la recherche, afin d'encourager la coopération entre l'Université et les laboratoires des entreprises privées.

«Politique de régulation»

Si Védrine utilise le mot de protection plutôt que celui de protectionnisme, c'est à dessein. Celui-ci s'apparente à de l'idéologie, alors que celle-là à la modestie du pragmatisme. Protéger, c'est mettre en place une « politique de régulation (c'est-à-dire de normes) beaucoup plus offensive ». L'ancien ministre des Affaires étrangères sait bien que les pays émergents s'insurgeront contre cette politique européenne de normes renforcées, et il pense qu'« il faut se préparer à cet affrontement ».

La solidarité, c'est celle que la collectivité devra témoigner aux victimes directes de la mondialisation (les ouvriers du textile ne sont qu'un exemple).

Dans sa deuxième partie, Védrine appelle à conserver les grands principes de la politique étrangère de la France. Il saisit cette occasion pour mettre en garde contre toute dilution de la spécificité diplomatique française par le biais de l'atlantisme, ou deuxième dérive dangereuse à ses yeux, l'« européisme ».

L'européisme ne menace plus réellement les tables de la loi gaullo-mitterrandiennes, depuis qu'on a préféré, à la fin des années 1990, l'élargissement à l'approfondissement. À 27, l'Europe fédérale est mécaniquement remise aux calendes grecques.

En revanche, la tentation de l'atlantisme est aujourd'hui évidente au sommet du pouvoir en France. Le président Sarkozy et son ministre Kouchner en ont-ils commis le péché ? « Non, répond Védrine, jusqu'à présent, ils ont été prudents et pragmatiques. Mais c'est un débat qu'il faut oser ouvrir en France ! »

source : http://www.lefigaro.fr/international/20070905.FIG000000171_vedrine_adapter_la_france_a_la_mondialisation.html