Le souvenir d'un maire iconoclaste

C’était le 1er juin 2006. Raymond Barre, décédé samedi à 83 ans, faisait sa dernière apparition publique à Lyon, dont il fut maire de 1995 à 2001, à l’occasion de l’inauguration de l’amphithéâtre du Palais des congrès. Le projet avait été lancé sous sa mandature. Son successeur Gérard Collomb (PS) a poursuivi le chantier. Raymond barre le félicite chaudement. Et raille une dernière fois la «médiocrité» de ceux qui s’étaient élevés contre cette construction en raison de son coût et qui auraient préféré des équipements «de proximité».

Tourner la page «Noir»

Durant ses six années de mandat à la tête de la seconde ville de France, l’ancien premier ministre (1976-1981) s’est posé en maire de transition iconoclaste et distant, délaissant les problèmes quotidiens des habitants au profit des problématiques internationales, méprisant le «microcosme local». Député de Lyon depuis 1978, il arrive à l’hôtel de ville un peu par hasard pour un seul mandat. En 1995, les centristes locaux l’appellent à la rescousse pour tourner la page de l’ère Michel Noir (1989-1995) et de ses affaires.

Raymond Barre, qui en début de mandat loge toujours à Paris, veut imposer une «transparence dans la gestion» et surtout donner un lustre international à la ville. Mission réussie avec l’accueil des chefs d’état du G7 en juin 1996 et le classement du centre ville au patrimoine mondial de l’Unesco. Il va jusqu’à recevoir le président Chinois Iang Zemin dans un quartier de l’hôtel de ville interdit à toute âme qui vive.

La «reconnaissance de Collomb»

Barre lance aussi de grands chantiers, comme la reconquête de l’ancien quartier industriel du Confluent, ou le retour du tramway, très critiqué par la droite. Pour diriger la ville et sa communauté urbaine, il n’hésite pas à s’appuyer sur la gauche, qui a conquis trois des neuf arrondissements de Lyon, classés prioritaires par Barre.«Alors que j’étais maire du 9e arrondissement, alors en pleine transformation, il m'appelait souvent les samedis ou les dimanches matin, afin qu'ensemble, nous puissions faire visiter à ses hôtes étrangers les réalisations qui étaient en train de naître. Je tiens à dire ma reconnaissance pour son action», indique Gérard Collomb, qui se pose en héritier de Raymond Barre.

«Nettoyez-moi ça»

En 1998, il avait critiqué avec la gauche l’alliance de son ami Charles Millon avec le FN pour garder la présidence de la région Rhône-Alpes. Ce qui ne l’avait pas empêché de qualifier Bruno Gollnisch, leader régional du Front nationale, de «quelqu’un de bien». Autant de prises de positions qui lui valent de vives critiques de la presse locale, notamment de l’hebdomadaire Lyon capitale, qui se voit un temps interdit de présence à la mairie sur ordre de Barre. Lors de son dernier conseil municipal de février 2001, qui se déroule en présence de nombreux journalistes, le maire n’hésite pas à lancer à ses huissiers : «nettoyez-moi tout ça».

Les Lyonnais pourront rendre un dernier hommage à Raymond Barre aujourd’hui. Un registre sera mis dans la journée à disposition des habitants dans la cour de l’hôtel de ville. Une veillée sera organisée lundi.

Christian Philip (UMP), ancien premier adjoint de Raymond Barre à qui il avait succédé au poste de député de la 4e circonscription, a demandé samedi au maire Gérard Collomb que l'Amphithéâtre du palais des Congrès porte le nom de l'ancien premier ministre.

A Lyon, Frédéric Crouzet

source : http://www.20minutes.fr/article/176307/Lyon-Le-souvenir-d-un-maire-iconoclaste.php