Le mémorial aux victimes juives de l’Holocauste sous le feu des critiques
Le 21/08/2007 à 23 h 59 - par Sarah Tuchscherer
Entérinée le 25 juin 1999 par le Bundestag, la construction d’un mémorial aux victimes juives de l’Holocauste à Berlin avait déjà suscité un débat passionné. Deux ans seulement après son inauguration, la découverte de défauts de construction fait resurgir la controverse…
C’est un gigantesque champ de stèles implanté au cœur de Berlin, à deux pas du Bundestag et de la porte de Brandebourg. 19 000m2 (l’équivalent de la surface de deux terrains de foot) recouverts par 2 711 stèles. La rencontre entre la rigueur du quadrillage de stèles et l’effet de déséquilibre provoqué par l’irrégularité du sol. La structure n’a ni entrée, ni sortie. On peut y circuler librement. C’est au visiteur de trouver son chemin. Brisant tous les « canons » habituels du monument commémoratif, le projet a été l’objet de discussions controversées. La polémique a duré plus de dix ans, ce qui, compte tenu du thème abordé (l’Holocauste), était difficilement évitable.
Ce sont tout d’abord les associations de tziganes qui se sont élevées contre un projet commémorant exclusivement les victimes juives. Les opposants au projet ont également pointé l’absence de rapport direct entre l’architecture et la tragédie évoquée. L’accent aurait du être mis sur la pédagogie, par exemple en augmentant le financement d’une exposition déjà existante intitulée « Topographie de la terreur ». Les Allemands s’interrogeaient sur l’opportunité d’un tel ensemble laissant une trace indélébile au coeur de la capitale. Les Berlinois craignaient quant à eux l’apparition d’un espace dénué de vie au centre de la ville. Après quelques mois d’ouverture au public, c’est plutôt l’excès inverse qui est mis à l’index : les enfants courent, les jeunes s’installent pour bronzer…
Les divers projets venant compléter le complexe (musée souterrain apportant les explications nécessaires à la compréhension de l’œuvre, construction prochaine d’un mémorial dédié aux victimes tziganes) et surtout le succès auprès du public (en particulier des touristes pour qui le lieu était devenu, au même titre que la Tour de télévision, l’un des points de passage obligé) avaient peu à peu fait taire les critiques. Or, on a appris récemment que près de 400 stèles comportaient des fissures, 2/3 des lumignons ornant le parcours sont cassés. Les ravages du vigoureux hiver berlinois auraient tout simplement été sous-estimés par les concepteurs : c’est un coup dur pour la réputation de sérieux des Allemands et par là-même pour le rayonnement touristique de la capitale. La polémique est donc relancée autour de ce que certains qualifient d’édifice monstrueux. L’entreprise ayant fourni le béton et l’architecte américain Peter Eisenman sont particulièrement sous le feu des critiques : une affiche publicitaire représentait récemment le second désignant l’une de ses stèles avec le slogan : « Le meilleur béton de Berlin ». La pilule est amère pour le contribuable allemand, les coûts de construction s’étaient déjà élevés à 28 millions d’euros…