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 Nous sommes tous des receleurs

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Anarchie
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MessageSujet: Nous sommes tous des receleurs   Nous sommes tous des receleurs Icon_minitimeMer 13 Fév 2008 - 23:39

par Richard Malka, Avocat à la Cour spécialisé en droit de la presse.

Citation :
Il a fallu des siècles de maturation historique et politique pour parvenir à l'élaboration d'une loi sur la presse protégeant la liberté de l'information tout en en réprimant les dérapages, toujours possibles. Cette fameuse loi du 29 juillet 1881 ayant heureusement échappé, pour l'essentiel, à la boulimie législative de ces dernières décennies, les délicats équilibres qu'elle instaure entre droit et devoir des journalistes sont sans cesse affinés, par la jurisprudence, avec sagesse et réflexion. Ce respectable édifice juridique repose sur un principe fondamental. Les infractions de presse – et il y en a effectivement de graves – ne peuvent être réprimées que par des délits spécifiquement prévus pour s'y appliquer. Nos juridictions rejettent donc fermement toute possibilité, dans un état démocratique, de punir des infractions de presse sur le fondement de délits de droit commun, au titre desquels figurent les délits de faux et d'usage de faux. Ce principe est également imposé par la Cour Européenne des Droits de l'Homme.

Ainsi le système juridique de nos démocraties ne permet pas d'embastiller un journaliste à chaque fois qu'il se tromperait en prétendant que publier une inexactitude (notion souvent subjective) équivaudrait à commettre un faux, en l'occurrence puni de trois années d'emprisonnement. A défaut, l'étape suivante pourrait d'ailleurs consister à appliquer le même raisonnement aux politiques. Pourquoi ne pas les poursuivre pour délit de faux lorsqu'ils énonceraient des contrevérités ? De telles situations existent mais dans des pays aux conceptions un peu particulières en matière des droits de l'homme. D'autant que l'on pourrait ensuite, à cultiver des analyses juridiques absurdes, considérer que les lecteurs d'informations fausses en seraient eux-mêmes des receleurs.

C'est précisément pour éviter ce type de dérapages que les lois françaises et les conventions internationales, dont le Président de la République devrait être le garant et non le fossoyeur, excluent l'application de délits de droit commun en matière de presse. Au demeurant, prétendre que la brève du Nouvelobs.com évoquant un aspect de la vie sentimentale du Chef de l'Etat, pourrait juridiquement constituer un faux, constitue une singulière aberration juridique. En effet, l'article 441-1 du Code pénal définit le faux comme devant être inséré dans un écrit « ayant pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques »*. Or, il ne semble pas qu'une brève publiée sur le site internet du Nouvel Observateur, soit de nature à « établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ».

Si n'importe quel citoyen avait déposé une telle plainte, le destin de celle-ci aurait été, sans nul doute, de rapidement rejoindre la poubelle d'un Substitut du Parquet, permettant ainsi aux journalistes poursuivis d'imaginer, à leur tour, de déposer plainte pour dénonciation calomnieuse, recours qu'ils ne pourront exercer en l'occurrence – et cela est parfaitement déloyal – compte tenu de l'immunité présidentielle. C'est un peu comme si, sur un ring de boxe, l'un des boxeurs n'avait pas le droit de répliquer aux coups de l'autre.

Quoiqu'il en soit, il peut bien évidemment être estimé déplorable de publier un prétendu SMS qui ne participe nullement à l'information légitime et utile du public. Une condamnation sévère de ce type de publication, sur le fondement d'une atteinte à la vie privée, serait parfaitement légitime et n'aurait rien de choquant en termes de liberté d'expression même si, à force de concurrencer la famille de Monaco dans les salles d'audience, la fonction présidentielle pourrait s'en trouver désacralisée.

Mais que la plus haute autorité de l'Etat, Premier Magistrat de ce pays et Avocat de surcroît, choisisse d'agir, non pas sur un fondement juridique approprié mais en invoquant un délit incompatible avec toutes nos valeurs démocratiques et un siècle et demi de fine construction juridique, cela apparaît extrêmement préoccupant et d'autant plus navrant que la sécurité nationale ne semblait pas menacée par le SMS litigieux.

Le pire étant encore constitué par les explications fournies par le conseil du Président**, celui-ci indiquant, avec une déconcertante franchise, avoir écarté les délits de presse applicables car il aurait été trop long de les faire juger (que devraient dire les autres justiciables ?) tout en prétendant « Le Chef de l'Etat ne souhaite pas être traité mieux que n'importe quel citoyen ».

Ainsi, le Chef de l'Etat, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, aurait recours, comme n'importe quel vulgaire plaideur, à de petites et sournoises stratégies judiciaires afin de mieux contourner l'esprit et la lettre des lois, instrumentalisant les procédures pour mieux impressionner ses adversaires comme l'avoue encore une fois son Conseil « soyons clairs, ce que nous voulons c'est donner un coup d'arrêt à cette affaire, la peine encourue ici est beaucoup plus importante que dans le cadre de la diffamation : 45.000 € d'amende et 3 ans de prison ».

Et la Secrétaire d'Etat aux droits de l'Homme – parmi lesquels la liberté d'expression – de qualifier les journalistes de « charognards » (ce propos ne constituerait-il pas à son tour un faux ?) et pire de justifier le choix procédural du Chef de l'Etat alors que tous deux s'engageaient, récemment encore, à renforcer la protection de la profession de journaliste.

Accordons au Chef de l'Etat qu'il ait pu, à l'origine, ne pas mesurer l'effet symboliquement désastreux, démocratiquement inacceptable et juridiquement insensé de son action. Il ne le peut plus aujourd'hui et si personne n'aurait pu contester la légitimité d'une condamnation du Nouvel Obs.com pour atteinte à la vie privée, il serait souhaitable qu'une solidarité sans faille s'exprime à l'égard des journalistes poursuivis dans de telles conditions, sur le fondement d'infractions dont l'utilisation apparaît profondément disproportionnée et dangereuse.
--------

* « Un faux intellectuel qui ne comporte pas d'obligation pour un tiers ne peut constituer le délit de faux » (Cour de Cassation Criminelle 28 mai 1962). « Pour être punissable, un faux intellectuel doit constituer un titre au profit de celui qui l'a établi et faire preuve pour lui » (Cour de Cassation Criminelle – 7 mars 1972…). « Des écrits mensongers tels que des mémoires, notes, ou factures qui sont par leur nature soumises à discussion et à vérification ne constituent pas en l'absence de toute autre précision des titres susceptibles d'entrer dans les prévisions du délit de faux » (Cour de Cassation Criminelle – 12 déc. 1977).
**Le Figaro 9 février 2008

source : http://www.marianne2.fr/Nous-sommes-tous-des-receleurs_a83887.html

PS : c'est moi qui souligne
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