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| | RELIGIONSarkozy prépare une révision de la loi de 1905 | |
| | Auteur | Message |
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Aurélia Desinhibé
Nombre de messages : 256 Age : 61 Localisation : Sud Ouest Orientation politique : Droite Scientifique, littéraire ou autres : : autres Date d'inscription : 11/08/2007
| Sujet: RELIGIONSarkozy prépare une révision de la loi de 1905 Mer 23 Jan 2008 - 13:16 | |
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| | | Anarchie Administrateur
Nombre de messages : 944 Age : 44 Localisation : 93800 - Epinay sur seine Orientation politique : Anarchisme Scientifique, littéraire ou autres : : Scientifique Date d'inscription : 20/07/2007
| Sujet: Re: RELIGIONSarkozy prépare une révision de la loi de 1905 Lun 11 Fév 2008 - 20:37 | |
| Dans "Dieu et l’Etat", le vieux Bakounine écrivait ceci : « L’idée de Dieu implique l’abdication de la raison et de la justice humaines ; elle est la négation la plus décisive de la liberté humaine et aboutit nécessairement à l’esclavage des hommes, tant en théorie qu’en pratique (…) Si Dieu est, l’homme est esclave ; or l’homme peut, doit être libre ; donc Dieu n’existe pas. » Ce n’est bien sûr pas l’avis de notre bouleversifiant président de la République, de passage à la basilique Saint-Jean-de-Latran à Rome, histoire de faire la bise à Benoît XVI et de faire rire le très Saint-Père en sortant de sa poche le plus beau rejeton de la Fille aînée de l’Eglise : Jean-Marie Bigard, symbole du génie français à l’heure du PAF. Du gras, du lourd, du graveleux, du bien beauf, du coussin péteur… il n’y a pas que le pouvoir d’achat qui est en berne ici bas, il y a aussi l’humour. N’avez-vous pas remarqué à quel point les humoristes, globalement, n’ont plus rien à dire sur ce monde tel qu’il est, que la critique sociale a disparu de leurs spectacles ? Qu’il n’y a plus guère que les politiques pour nous faire rire ? Encore que…
C’est le problème avec Nicolas Sarkozy. On devrait pouvoir rire à gorge déployée de sa vision du monde, des ses analyses navrantes de l’Afrique et des Africains et de cette énigmatique « identité nationale » dont il « n’existe aucune définition objective ». Le problème est qu’elles sont inquiétantes puisqu’elles sont portées par un homme qui est censé faire notre bonheur pour, allez, j’ose !, la décennie qui vient.
J’ai lu, comme vous peut-être, quelques extraits de son discours du 20 décembre dernier publiés par le journal Le Monde
Je passe rapidement sur le fait qu’il ait offert au pape quelques œuvres de Georges Bernanos. Le choix est judicieux. Je ne parle pas ici de la qualité littéraire des écrits de Bernanos mais de la trajectoire politique de celui-ci : Bernanos était un catholique fervent, un nationaliste forcené qui fut très longtemps lié à la très antisémite et monarchiste Action française ; autant dire que Bernanos était un mystique doublé d’un fieffé réactionnaire. Au moment de la guerre d’Espagne, il soutient les franquistes, comme l’un de ses fils, engagé dans les Phalanges, mais s’en éloigne assez vite, écoeuré par les massacres perpétrés au nom de Dieu par les militaires rebelles, avec le soutien de l’église espagnole. Pendant la seconde guerre mondiale, exilé au Brésil, il se rallie à la France libre et non à la révolution nationale du maréchal Pétain, de même que ses deux fils engagés dans les Forces françaises libres. Comme quoi, on peut aller tuer du « rouge » en 1937 en Espagne et se battre contre l’Allemagne nazie quatre ans plus tard… Le fil rouge, c’est la Nation, voire l’homme providentiel.
Mais laissons de côté Bernanos pour nous intéresser de plus près au discours sarkozien qui doit devoir à la plume de l’incontournable Henri Guaino et à celle de l’ineffable Max Gallo.
J’ai choisi de commenter quatre passages de ce discours.
Premier passage : « La laïcité ne saurait être la négation du passé. Elle n’a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n’aurait pas dû. »
Quand a-t-elle tenté de le faire ? A la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, lorsque les débats furent les plus virulents ? Parle-t-il de ce moment, fugace, où en 1793-1794, le culte catholique fut aboli en France sous l’influence des Hébertistes ? Sarkozy veut-il parler de la loi de décembre 1905 sur ce que l’on appelle la « séparation de l’église et de l’Etat » ? Il serait intéressant de le savoir. C’est d’ailleurs assez piquant de voir Nicolas Sarkozy relire l’histoire de France en regrettant qu’elle ait été parsemée de conflits. La France du début du 20e siècle, c’est une France où le clergé règne en maître dans les campagne, où le syndicalisme révolutionnaire vit ses plus belles heures, où, dans l’hémicycle, bourgeois « progressistes » et bourgeois « réactionnaires » s’affrontent ; c’est une France où l’Etat bourgeois cherche à s’émanciper de la tutelle religieuse ; c’est une France où l’Eglise entend contrôler les âmes pour conjurer l’égalitarisme républicain ; c’est aussi une France marquée, divisée par l’Affaire Dreyfus ; c’est une France en guerre. Et pourtant… Pourtant, la crise lors des Inventaires des biens de l’église en 1906 ne mettra pas le pays à feu et à sang. Ce ne sont que les catholiques les plus traditionalistes qui s’opposeront aux forces de l’ordre. Et d’un autre côté, le Vatican, après avoir jeté de l’huile sur le feu, cherchera la conciliation avec le gouvernement ; gouvernement qui lui aussi a besoin de paix civile à l’approche des élections. L’église est peut-être descendue de son trône (elle y remontra sous Pétain), elle n’en a pas moins gardé un rôle important dans la société française de l’époque ; et je ne sais s’il y a aujourd’hui un comité d’éthique quelconque qui ne comprenne pas dans ses rangs un représentant de l’église catholique…
Je m’en voudrais de ne pas commenter un second passage, intrigant, de la pensée sarkozienne. Ce passage, le voici : « Une morale dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la facilité ».
Bigre ! Doit-on y voir là une façon d’honorer le fondamentalisme religieux ? Je ne suis ni théologien, ni philosophe et encore moins spécialiste de l’histoire des mouvements religieux, mais je crois pouvoir affirmer sans craindre d’être déjugé que l’évolution de la pensée religieuse doit tout au contraire aux contingences historiques, à l’évolution de la pensée philosophique, celle de la science, à l’évolution des rapports de production et de classe, de la nature des régimes politiques et sociaux. Le travail d’analyse, d’interprétation des textes religieux, ceux de la Bible, du Coran ou de la Torah, ne naissent pas de rien, hors du temps. Ils sont les produits d’une époque, d’un moment de l’histoire. L’encyclique papale Rerum novarum de 1891 n’est-elle pas une réponse à la montée du socialisme, conséquence de l’industrialisation et de l’urbanisation des sociétés occidentales ? Pacem in terris en 1963 aurait-elle vu le jour hors du contexte de la guerre froide ? Et la pensée de Hassan Al Banna, fondateur des Frères musulmans en Egypte, n’a-t-elle aucun lien avec l’affirmation du nationalisme arabe ?
Les individus (leurs pensées, leurs convictions) pourvus « de liens avec la transcendance » ne « flottent » pas dans les airs. Ils font partie de communautés humaines, nationales, occupent une certaine position dans les rapports de production, ont des intérêts individuels ou collectifs à défendre. Même les plus fanatiques des croyants sont obligés de composer avec l’environnement qui est le leur : les islamistes radicaux qui ne jurent que par l’Oummah (la communauté de tous les musulmans) s’inscrivent le plus souvent dans une dynamique d’affirmation politique nationale.
Il en va donc des croyants comme des mécréants. Les « contingences historiques » s’emploient à mettre à l’épreuve la morale des uns, l’éthique des autres. Au niveau individuel, tout est affaire de courage, de force, de conviction, voire d’héroïsme. L’histoire de l’Humanité est peuplé de ces hommes et femmes, anticléricaux, athées, croyants ou fous de Dieu restés fidèles à leurs convictions, à leurs valeurs et leurs principes quels qu’ils furent, vaille que vaille, jusqu’à la mort. Mais la fidélité est-elle en elle-même une vertu ? A mon sens, non ; ou en tout cas bien moins que le questionnement permanent
Troisième passage : « Le temps est venu que les religions et toutes les forces vives de la nation regardent ensemble les enjeux de l’avenir et plus seulement les blessures du passé ».
Ce genre de propos me laisse circonspect. J’ai le sentiment d’avoir raté un événement récent d’importance, une guerre de religion ou bien une guerre scolaire. A moins que ma mémoire ne défaille, il ne me semble pas que la France de 2007 ait vécu récemment un conflit de cet ordre. Le dernier en date fut la grande manifestation des défenseurs de l’école dite libre au milieu des années 1980. Il y a vingt ans déjà ! Je trouve même qu’on nage régulièrement en plein œcuménisme et que souvent un rabbin, un pasteur, un curé et un Imam partagent la même table. A moins que le président Sarkozy n’ait en tête l’Islam, la question du passé colonial, les émeutes de 2005, et les dits « problèmes d’intégration » auxquels sont confrontés les jeunes dit « issus de l’immigration ». A moins qu’il n’agite devant nos yeux la promesse d’un « Grenelle de la laïcité positive » chargé de redonner du sens et de la spiritualité à un quotidien qui en manque tant ? | |
| | | Anarchie Administrateur
Nombre de messages : 944 Age : 44 Localisation : 93800 - Epinay sur seine Orientation politique : Anarchisme Scientifique, littéraire ou autres : : Scientifique Date d'inscription : 20/07/2007
| Sujet: Re: RELIGIONSarkozy prépare une révision de la loi de 1905 Lun 11 Fév 2008 - 20:38 | |
| C’est ce que je crois comprendre avec ce dernier extrait : « Ceux qui ne croient pas doivent être protégés de toute forme d’intolérance et de prosélytisme. Mais un homme qui croît est un homme qui espère. Et l’intérêt de la République, c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes qui espèrent. »
Loin de moi l’idée de conjurer toute idée de « croyance ». On passe notre temps à croire : croire en Dieu pour certains, dans son abolition pour d’autres ; croire aux lendemains qui chantent, croire en la capacité des hommes et femmes à se débarrasser des entraves multiples qui les enserrent ; croire en la toute-puissance de la Raison, croire au Progrès, à la Technique ; quant à la République et à l’Etat, ils doivent beaucoup dans ce qu’ils donnent à voir, dans leurs rituels, à l’héritage religieux… Nous sommes des êtres de chair et de sang qui pensent, réfléchissent, imaginent et parfois sont portés à l’Utopie. « La désaffection progressive des paroisses rurales, le désert spirituel des banlieues, la disparition des patronages, la pénurie de prêtres n’ont pas rendu les Français plus heureux » nous dit Nicolas Sarkozy. Alors il nous faudrait croire pour combler le vide spirituel créé par la société moderne matérialiste ? Nicolas Sarkozy est un être étonnant : toute sa façon de vivre se veut résolument libérale et moderne (divorce, vacances sur un yacht, dé-tabouiser la richesse…) et il ose verser des larmes de crocodile sur la France d’antan, encore marquée par la ruralité et tout ce que cela charrie comme styles supposés de vie quotidienne et façons d’être au monde. Il se hasarde même à parler de « désert spirituel des banlieues » alors que tout me semble indiquer le contraire, notamment la permanence d’un Islam non fondamentaliste ou le développement de toutes les religions ou sectes issus du protestantisme qui prolifèrent au sein de communautés d’Afrique noire.
Comme Nicolas Sarkozy ne me semble pas le plus disposé à critiquer le monde tel qu’il est, c’est-à-dire un monde dominé par la frénésie de la consommation, l’hédonisme de pacotille, et l’individualisme le plus creux, j’en viens à me dire que ses propos sont les témoins de son « obsession américaine » : formidable Amérique marquée par le puritanisme le plus austère (Amish, Quakers) et la sainte alliance du profit et de la spiritualité ; stupéfiante Amérique où Dieu est partout, comme sur les dollars qui s’empilent dans les poches des prédicateurs-bonimenteurs ; incroyable Amérique qui intègrerait ses migrants mille fois mieux que nous ; étonnante Amérique où même les pauvres pensent appartenir à la classe moyenne !
La France propose la République comme projet commun ; l’Amérique offre des success stories, donc un rêve. Autant dire une espérance ou un mirage. Rêve fascinant de réussite sociale placé sous les auspices divines, sentiment que tout est possible à condition d’avoir la foi. Mais, comme le dit Arthur Koestler, « la foi est vraiment une chose étonnante : elle rend les hommes capables non seulement de remuer les montagnes mais de prendre un hareng pour un cheval de course. »
Dans ses vœux pour la nouvelle année, Nicolas Sarkozy a enfoncé le clou avec des accents messianiques et gaulliens : « Dans l’époque où nous sommes, a-t-il dit, nous avons besoin de ce que j’appelle une politique de civilisation (…) Notre vieux monde a besoin d’une nouvelle Renaissance. Eh bien, que la France soit l’âme de cette Renaissance (…) Que la France montre la voie, c’est ce que depuis toujours tous les peuples du monde attendent d’elle. »
Ainsi donc, la France, puissance moyenne orpheline de sa puissance impériale d’antan, doit se sentir investi d’une nouvelle mission civilisatrice. Sarkozy se fait flatteur. Il sait que faire basculer dans le « monde moderne néo-libéral » la société française ne sera pas sans risque. Que veut dire « basculer dans le monde moderne néo-libéral » ? Cela signifie s’aligner peu ou prou sur les politiques économiques et sociales à l’œuvre aux Etats-Unis, en Angleterre, en Allemagne, en Australie ; autrement dit, limiter la capacité de nuisance des organisations syndicales, briser les capacités de résistance collective des travailleurs, redéfinir le rôle de la puissance publique dans l’ordre économique capitaliste, rendre le travailleur plus flexible/réactif/soumis aux impératifs de la machine productive, mettre la pression sur le chômeur pour qu’il s’adapte au marché du travail tel qu’il est… bref toutes ces choses qui ne vont pas de soi dans l’hexagone, et qui sont passés souvent comme une lettre à la poste, au-delà de nos frontières. « Pour pouvoir subsister en tant que régime politique, écrit Eduardo Colombo, la société capitaliste moderne privatise les individus, les renvoie constamment à la sphère sans relief de leurs affaires, de leur maison, de leur travail, de leur télévision, de leurs loisirs. En même temps, le tissu social se distend, la scène politique où peut s’exercer la volonté du peuple perd consistance et netteté. L’apathie, le sentiment d’impuissance, l’idée que la pensée et l’action individuelle sont inopérantes pour modifier les conditions de la vie s’emparent de la plupart des individus et les isolent encore plus les uns des autres. » Nous en sommes presque là et pointe à l’horizon la sombre sentence tenue en 1987 par Margaret Thatcher : « Il n’y a pas de société, il n’y a que des individus et des familles. »
Mais Sarkozy n’est pas Thatcher ; il est plus proche de l’esprit qui anime Tony Blair et le New Labour qui entendaient « responsabiliser » les gens, c’est-à-dire les soumettre aux diktats de la classe dominante au lieu de les y soustraire quelque peu par le biais des politiques sociales. Sarkozy sait que pour que les groupes humains existent, pour que nos sociétés « modernes » ou « post-modernes », « démocratiques bourgeoises » n’implosent pas, ne sombrent pas, ne se déchirent pas [6], il faut autre chose, quelque chose qui les relie. Il faut vendre une Idée (Dieu, la Nation, la République, la Démocratie) capable de masquer la réalité crue, celle de la violence des rapports de production, celle de la violence des rapports hommes-femmes, celle de la domination sous toutes ses formes. Il faut vendre une Idée qui n’entre pas en contradiction fondamentale avec le système politique et économique actuel. Pas question donc d’une morale de la frugalité et de l’ascétisme qui viendrait à mettre en péril la production continue de marchandises ; pas question de remettre en question la « démocratie bourgeoise », le « gouvernement des meilleurs » bâti sur le mépris du peuple et de ses capacités créatrices. Par contre l’Idée très chrétienne du travail rédempteur, du travail comme auto-réalisation de soi, du Mérite, protégée par un Etat non plus « providence » mais gendarme et paternalo-moralisateur a me semble-t-il de beaux jours devant lui. A moins que tous autant que nous sommes, nous cessions de prendre les harengs pour des chevaux de course…
source :
*Le Monde comme il va*, émission # 12 du jeudi 10 janvier 2008
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